Naomie Lusignan : records, résilience et le poids du dépassement

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Sur le plateau, on ne voit ni la fatigue accumulée ni les exigences invisibles. Pourtant, pour Naomie Lusignan, haltérophile originaire de Mansfield-et-Pontefract, chaque kilo levé raconte bien plus qu’un chiffre : il parle de transformation, d’endurance et d’une lutte constante pour retrouver ses repères dans un corps qui change. Depuis janvier, l’haltérophile a perdu 27 livres pour redescendre dans la catégorie des 63 kg, une décision stratégique avec les Jeux olympiques de 2028 en ligne de mire.

Mais s’adapter à un nouveau poids de corps, c’est aussi réapprendre à bouger. « Tout est différent maintenant. Même ma technique de base ne se sent plus pareille. Mon corps n’agit plus comme avant », raconte-t-elle.

Cette période de transition s’est faite sous pression, tant sur le plan physique que mental. Chaque compétition arrivait trop vite pour permettre à son corps de récupérer pleinement, et la perte de repères techniques, causée par le changement morphologique, exigeait une réadaptation constante. Derrière chaque tentative de levée, il y avait la fatigue d’un corps qui cherche encore ses marques. En l’espace de neuf semaines, Naomie a participé à quatre compétitions majeures. Elle a amorcé cette séquence au Championnat provincial classique du Québec, le 29 mars, où elle a réalisé un total de 206 kg (91 kg à l’arraché, 115 kg à l’épaulé-jeté).

Le 3 mai, elle représentait le Canada aux Championnats du monde juniors à Lima, au Pérou. Elle y a levé 94 kg à l’arraché et 112 kg à l’épaulé-jeté, pour un total de 206 kg. Cette prestation lui a valu la sixième place mondiale, un bond significatif après sa 10e position de l’an dernier.

CHAMPIONNAT DU MONDE JUNIOR 2025
Source: IWF

Deux semaines plus tard, elle était de retour sur le plateau au Championnat canadien senior, à Halifax (16-18 mai), où elle a terminé troisième au total avec 91 kg à l’arraché et 113 kg à l’épaulé-jeté (204 kg).

Puis est venu le Championnat canadien junior 2025 à Saskatoon. Cette fois, Naomie a soulevé 90 kg à l’arraché. Officiellement, cette charge éclipsait le record national junior de Charlotte Simoneau (89 kg en 2022). Officieusement, elle l’avait déjà battu au Pérou. « Personne ne l’avait vraiment su. Alors quand on l’a annoncé à Saskatoon, ça m’a quand même fait plaisir », dit-elle.

Elle quitte la Saskatchewan avec trois médailles d’or : à l’arraché, à l’épaulé-jeté et au total, un triplé qui reflète autant sa constance que sa détermination malgré la fatigue.

Mais cette dernière compétition fut aussi la plus éprouvante. La pesée étant prévue en fin de journée, Naomie a dû limiter drastiquement son alimentation. « Mon corps n’a jamais eu le temps de récupérer. Je suis montée sur la plateforme avec deux œufs et un shake dans le ventre », confie-t-elle. Sans illusions de record, elle y est allée pour tenir debout — et elle l’a fait.

Reconstruire pour mieux revenir

Aujourd’hui, Naomie prend une pause bien méritée pour se reconstruire. Pas seulement son corps, mais aussi sa relation avec lui. Elle doit maintenant réapprendre à faire confiance à ses sensations, à trouver de la stabilité dans un nouvel équilibre. Ce n’est plus le même corps qu’avant, ni les mêmes repères, et cela demande une grande adaptation. Revenir à un état de fluidité, de puissance maîtrisée, c’est un processus lent, exigeant, mais profondément nécessaire. « Je veux que, la prochaine fois que je monte sur un plateau, les gens se disent : wow, elle est revenue forte. Pas juste plus légère. »

Ce travail s’inscrit dans une vision à long terme. La catégorie des 63 kg sera présente aux Jeux de Los Angeles en 2028, et elle compte bien y être. « On veut rester à ce poids pendant au moins un an. Si je m’y adapte bien, je pourrai viser haut, sans devoir recouper à nouveau. »

Pour les jeunes qui la regardent avec admiration, Naomie conclut avec un message sincère : « Ne vous limitez pas. Si vous avez un objectif, allez-y à fond. Le sommeil, la nutrition, l’entraînement… chaque détail compte. Vous êtes la seule personne qui peut décider jusqu’où vous irez. Pour ma part, je vise une reprise en 2026 avec des standards relevés, et l’objectif clair d’être sélectionnée aux compétitions internationales seniors qui m’ouvriront la voie vers les Jeux de Los Angeles en 2028. »

Naomie Lusignan